L’usage du monde de Nicolas Bouvier

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Les récits de voyage m’ont souvent ennuyée : les voyageurs ont cette tendance récurrente à regarder le monde à travers – au mieux – leur propre filtre et – au pire – leur nombril. Le voyage devient une quête de soi-même, les autres un moyen d’y accéder, et la lecture de la quête de soi d’un autre ne m’est d’aucune utilité pour comprendre le monde. De surcroît, les voyageurs sont rarement bons écrivains.

On m’avait promis que Nicolas Bouvier évitait ces écueils, et la promesse n’était pas vaine.

L’usage du monde est bien le récit d’un an et demi de voyage, de la Suisse à l’Inde, dans une petite voiture brinquebalante, dans les années cinquante. Mais l’observation presque froide du monde prend idéalement la place de la quête de soi. C’est un regard photographique et sonore de peuples, d’individus, de paysages qui font voir un monde et une époque au travers ceux qui les habitent. Nicolas Bouvier a pris son temps, il a avancé doucement, s’est arrêté, contraint ou pas, et a ouvert grands les yeux. Il n’y a pas dans cet ouvrage de ces aventures qui mettent l’auteur en valeur. Il y a la musique des nomades de l’Europe de l’est, les couleurs de l’Iran, les odeurs de l’Afghanistan. Il y a les gens, leurs habitudes culinaires, leur convivialité, leurs coutumes – parfois sauvages mais sans jugement de l’auteur. On découvre un monde la plupart du temps généreux et accueillant. On sort de ce récit avec un autre regard sur des pays aujourd’hui si mouvementés. Et il y a par dessus tout un vrai talent d’écriture.

L’usage du monde est un excellent récit, récemment ré-édité par La Découverte et agrémenté de dessins du compagnons de route de Nicolas Bouvier : Thierry Vernet, et c’est une excellente occasion de découvrir un ouvrage riche et précieux.

 

À propos de Tagrawla Ineqqiqi


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