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Les héros oubliés : Joséphine Baker

Si on dit « Joséphine Baker », la première image qui nous vient est celle d’une dame fort dénudée qui danse avec une ceinture de bananes. Ne niez pas, ça nous fait tous ça. En cette triste époque où l’héroïne du moment est une ex-taularde pas tout à fait innocentée de crimes de sang, il est temps d’exhumer quelques vrais héros et héroïnes.

Joséphine Baker, née Freda Josephine McDonald au début du XXème siècle dans le Missouri, a un parcours d’un rare courage et d’une puissante humanité.

Aînée d’une famille très pauvre, elle commence à travailler jeune comme domestique pour nourrir la fratrie. Elle se marie à treize ans, mais cette union ne dure que quelques mois. Elle se met à danser pour vivre, et c’est à la fin d’une tournée qu’elle rencontre son second mari. Indépendante et plus ambitieuse que lui, elle le quitte vite pour se rendre à New York. Après un commencement difficile, elle intègre la fameuse « revue nègre ». C’est pour elle le début d’une tournée internationale. Elle arrive en France en 1925 et le scandale de son numéro aux bananes laisse vite place à la célébrité. Elle chante son amour pour Paris, repart faire une tournée américaine qui est un échec et revient s’installer en France dont elle obtient la nationalité peu avant la guerre.

Dès septembre 1939, elle devient un agent du contre-espionnage français. Sa position de star lui permet de côtoyer la haute société parisienne : Joséphine glane toutes les informations qu’elle peut sur l’emplacement des troupes allemandes auprès des officiels qu’elle rencontre dans des soirées. Elle abritclandestinement un officier de marine français, un aviateur breton et un couple de réfugiés belges. Elle s’engage aussi pour la Croix Rouge et rejoint en 1940 les services d’espionnage de la France Libre en France puis en Afrique du Nord. Elle s’acquitte durant la guerre de missions importantes. En outre, elle utilise ses partitions musicales pour dissimuler des messages. Puis elle s’engage dans les forces féminines de l’Armée de l’air où elle acquiert le grade de sous-lieutenant. Elle participe à la libération de Marseille. Elle poursuit ses activités en soutien à la Croix Rouge, chante pour les soldats autant que pour les Résistants. Elle reçoit la Croix de Guerre, la Médaille de la Résistance et la Légion d’Honneur.

Après la guerre, ne pouvant avoir d’enfant, elle achète un domaine en Dordogne, distribue toutes ses robes de scène aux habitants de la région et engloutie sa fortune pour rénover sa propriété et éduquer les douze enfants de toutes origines qu’elle a adopté au fil de ses voyages, du Japon à Israël : sa tribu arc-en-ciel. Elle adopte ses deux derniers enfants en Algérie et en pleine guerre.

Dans les années cinquante, elle se fait le relais et l’écho de la cause des Noirs Américains en Europe. Aux États-Unis, les partisans du ségrégationnisme, non sans une certaine ironie, la taxent de communiste … et de fasciste. Inlassable, elle participe à la Marche vers Washington du pasteur Luther King. A la même époque, elle participe à la création de ce qui deviendra plus tard la LICRA – la ligue contre le racisme – .

Ruinée, elle est expulsée et s’installe dans un deux pièces parisien avec ses douze enfants. Elle sera sortie de la misère par des dons, particulièrement ceux de Grâce de Monaco, et par son retour sur scène.

Fait rare pour une femme noire d’origine étrangère, Joséphine Baker bénéficia des honneurs militaires lors de son inhumation.

A bien y regarder, on se demande pourquoi le souvenir des bananes a occulté tout le reste. A l’heure des héros de télé-réalité, des héroïnes dont on se demande ce qu’elles ont bien pu faire de juste pour mériter tant de photos, d’heures d’antenne et d’adulation, peut-être est-il bon de chercher dans un passé pas si lointain les héroïnes, les vraies, qui ont participé à leur échelle démesurée à l’avènement d’un monde meilleur.