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Arte, ou les mensonges élevés au rang de culture

Ayant hier décidé de glandouiller devant la télé, je me choisis deux « documentaires » d’Arte sur leur machin de replay.

Un premier sur l’histoire de Mary Shelley et de Frankenstein. Et c’est parti pour les carabistouilles. Arte nous vend le mythe romantique de la création du Docteur Frankenstein : Mary Shelley aurait fait un rêve éveillé dont est issu son roman. Évidemment, celui qui ne connaît pas la vraie histoire gobera ça tout cru. La réalité, c’est que Mary Shelley a plagié « Le Miroir des événements actuels ou la Belle au plus offrant », l’histoire d’un inventeur nommé Frankésteïn qui souhaite créer un homme artificiel, publié en 1790 par François-Félix Nogaret. On aurait pu croire au hasard, mais quand le nom du savant est le même, ‘faudrait pas non plus trop pour nous prendre pour des cons, et c’est pourtant ce que fait allègrement Arte.

Deuxième documentaire choisi : un biographie de l’auteur allemand Ernst Jünger. Le « documentaire » est formel : après-guerre, Jünger a cessé d’écrire des choses politiques. Pardon du vocabulaire, mais à un moment ça suffit : mon cul ! En 1951, Ernst Jünger publie « Le traité du rebelle ou le recours au forêt » dans lequel il appelle les peuples opprimés à entrer en résistance, dans lequel il développe l’idée que le vote n’est qu’un questionnaire guidé dont rien de bon ne peut sortir. Jünger ne s’est jamais caché d’être un élitiste, et à son sens, l’élite ferait mieux d’aller se planquer dans les forêts pour y chercher l’autonomie. C’est pas politique, ça peut-être ? Eh bien en 55 minutes de « documentaire », Arte trouve le moyen de passer en revue tous les écrits guerriers de jeunesse du grand auteur allemand sans dire un seul mot de son Traité du rebelle. Ça reviendrait à parler de La Boétie sans évoquer son Discours sur la servitude volontaire !
C’est systématiquement comme ça, avec les « documentaires » d’Arte : tant qu’on en regarde qui parlent de choses qu’on ne connaît pas ou peu, on a l’impression d’apprendre des choses, mais dès qu’on visionne une de leurs cochonneries sur un sujet qu’on maîtrise un peu, on se rend compte qu’en réalité on se fait enfler et remplir le cerveau de grosses bêtises.
Arte ne vaut absolument pas mieux que n’importe quelle autre chaîne. Veillez à prendre avec beaucoup de pincettes ce qu’elle vous raconte, c’est plein de raccourcis, de bêtises, de mythes à la place des faits, bref : de mensonges.


Good Omens : une demi-réussite

Après le désastre « American Gods », je m’attendais au pire, mais ça va : le pire a été évité, Good Omens est regardable. Visuellement, c’est même très bien fichu, et c’est un divertissement amusant. Mais soyons honnête : c’est amusant sans plus. Rien à voir avec le roman qui m’a valu bien des regards de travers dans le métro parce que je me roulais par terre de rire. Avec cette série, on sourit, mais ne vous attendez pas à mieux. Ici, tout ou presque tient par l’excellente prestation de David Tennant qui a clairement lu le roman avant de jouer : il incarne Rampa très exactement tel qu’on se l’imaginait. Longue vie à David Tennant : il est vraiment l’un des meilleurs acteurs de sa génération et j’espère qu’on le verra plus souvent dans les années à venir. (Hey, les producteurs et scénaristes ? Ça ne vous dirait pas une adaptation de Richard III avec Tennant ? Il connaît le répertoire shakespearien et il a largement le talent pour ça.)

Malheureusement, Terry Pratchett n’est plus là pour insuffler tout l’absurde dont Gaiman est incapable. Le plus triste, c’est que le personnage de La Mort, si tordant, est largement sous-exploité. Alors que les deux derniers épisodes tirent franchement à la ligne, un épisode complet sur les Cavaliers de l’Apocalypse aurait donné tout le souffle et la drôlerie qui manquent : dommage.
Espérons néanmoins que cette mini-série donnera envie à quelques-uns de découvrir le roman : les livres qui font vraiment rire sont rares, ça serait dommage de passer à côté de celui-là.


Arte et les hackers russes : l’investigation de surface

« Les nouveaux mercenaires russes » est un documentaire proposé en replay sur le site d’Arte. Le synopsis nous promet des « rencontres avec des hackers russes » et « une investigation fouillée et concrète, qui dévoile la réalité derrière les fantasmes. » Voilà une belle promesse journalistique.

La vidéo s’ouvre sur une musique angoissante. S’il y a bien un procédé que je déteste quand on parle de journalisme, c’est l’utilisation de musique angoissante : ça montre immédiatement le parti pris. A un moment, il faut se décider : on tourne un documentaire ou Les dents de la mer ? On veut nous informer ou nous faire peur ? Personnellement, si je veux regarder un documentaire, c’est pour m’informer. Si je veux jouer à me faire peur, ce ne sont pas les fictions qui manquent . Et puis ça continue sur la forme : on a une mise en scène digne d’un étudiant de première année sans imagination du début des années 2000. Mise en scène d’échanges de SMS, recherches Google à l’écran : le niveau zéro de la mise en forme quand on parle d’Internet. Mais ne soyons pas trop sévère, après tout, la forme n’est pas ce qu’il y a de plus important.

Sauf que le fond ne vaut guère mieux. Pendant plus d’une heure, en guise de preuve on ne nous montre que des intimes convictions. Je me suis toujours demandée combien d’innocents avaient été condamnés sur la base d’intimes convictions sans preuve. Pire, le documentaire ne parle de preuve que dans les deux dernières minutes, sans jamais nous en dire plus que « promis on les a !». La seule preuve qu’on nous assène concernant telle ou telle attaque de hackers russes, c’est une trace laissée par les hackers eux-mêmes montrant un ours. Non mais franchement, les gars… Certes les Russes eux-mêmes adorent l’image de leur ours national, mais si je voulais jouer à pointer la responsabilité vers la Russie, moi aussi, je mettrais un ours ! Ça n’est pas une preuve, ça !

Quand aux rencontres avec des hackers russes, il s’agit essentiellement de rencontres réalisées dans le cadre d’un très officiel festival du hacking à Moscou, un festival public où n’importe qui peut se rendre à visage découvert. Ce type d’événement existe dans quasiment tous les pays et n’a absolument rien de secret. Et le fait qu’on y croise le conseiller cyber de Poutine n’a rien de très étonnant en soi. La seule chose étonnante, c’est que le dit conseiller de Poutine comprend très bien le français.

Voilà donc un documentaire qui ne sert au final qu’à deux choses : participer à construire l’image des grands méchants russes en s’appuyant au final sur bien peu de choses, et sans doute faire rudement plaisir à la Russie en sur-évaluant très certainement le danger réel et ça, c’est super bon pour sa com’. Si personne ne doute que le gouvernement russe fait appel à des cybermercenaires, il n’y a rien de délirant à envisager que leur nombre et leur efficacité n’est pas forcément aussi vaste qu’on nous le vend, mais que Poutine aime bien qu’on le croit. En outre, il faudrait pouvoir comparer avec d’autres pays qui ne doivent pas être en reste sur ce drôle de champ de bataille, mais ça n’est pas avec ce documentaire qu’on pourra le faire.

Donc voilà : une heure trente pour ne rien apprendre, sauf peut-être qu’Arte propose toujours moins de journalisme et toujours plus de partis pris. C’est au moins une bonne nouvelle pour les compositeurs de musique qui fait peur.


Prise de conscience

Hier, dans la télé, au sujet de la marche pour le climat, une « journaliste » abattait sa carte « prise de conscience ». J’ai beaucoup ri.

Depuis que je suis gamine, j’entends parler de « prise de conscience ». Après Tchernobyl, on étalait de la « prise de conscience » partout. Je me souviens très bien de documentaires sur l’Amazonie qui comptaient la disparition de la forêt en surface de stades de football après lesquels ça déblatérait de la « prise de conscience ». Je me souviens du bordel de Seattle en 1999, cette grande « prise de conscience » altermondialiste. Je me souviens de la « prise de conscience » « notre maison brûle et nous regardons ailleurs » de Chirac en 2002. Je me souviens de la « prise de conscience » du sommet de Copenhague de 2009 après lequel on allait voir ce qu’on allait voir. Et il a encore fallu subir la « prise de conscience » de la sauterie de Paris, il n’y a pas si longtemps.
Et encore ce ne sont là que les « prises de conscience » qui me viennent sans trop y penser, il y en a eu bien d’autres.

J’avais à peine 9 ans quand j’ai pris conscience du monde dans lequel j’allais devoir vivre. Un monde pollué, irrespirable, radioactif, sans couche d’ozone – la seule chose qu’on a su changer parce que ça ne coûtait pas trop aux industriels. Un monde avec un enjeu énorme : la sauvegarde de la vie sur terre. Je n’ai absolument pas grandi chez les écolos, c’est juste que Tchernobyl venait de sauter. J’en avais tellement pris conscience que j’ai construit toute ma vie en fonction du poids de pollution que pèse mon existence, sans manquer d’essuyer les quolibets que réservent aux illuminés ceux qui ne manquent pas de disserter sur la « prise de conscience ».

Et depuis ? Depuis plus de trente ans, on continue à étaler du béton et du bitume partout. Le nombre de bagnoles a quasiment doublé. Les gens se sont mis à prendre l’avion plus souvent que je ne prends le bus. Ils passaient le week-end au Touquet, voilà qu’ils le passent à Marrakech, ils passaient l’été à Cannes, voilà qu’ils vont à Taipei. Tout est devenu plastique, on s’est même mis à faire pousser du maïs et des patates pour faire des nouvelles sortes de plastique. « Vert », nous dit-on. Les fringues sont devenues jetables. En fait, tout est devenu jetable, même les maisons. Les lignes de train et les gares se sont raréfiées. Les énergies renouvelables sont à la traîne. La démographie galope. Le développement des nouvelles technologies nous a fait balancer toujours plus de carbone pour nous attaquer aux terres rares, et tout ça pour fabriquer des trucs et des bidules pas du tout recyclables.
Mais tout va bien, me dit-on : la « prise de conscience » est là. Pour preuve : j’entends les puissants tartiner de la « prise de conscience » qui ne coûte rien à ahaner.


Voleurs de leur propre liberté de Vidosav Stefanovic

Dans 99 % des cas, je choisis mes livres en fonction de critères mouvants : je connais déjà l’auteur, j’ai envie de découvrir la littérature d’un pays en particulier, le thème du livre m’intéresse. Le 1% restant est constitué de livres que je trouve par hasard, et c’est le cas de Voleur de leur propre liberté. Je ne connaissais pas Vidosav Stefanovic, je ne me suis jamais particulièrement intéressée à la Serbie, et quelques mois d’histoire d’une télévision locale dans une ville serbe – Kragujevac – dont je n’avais jamais entendu parler n’est pas forcément le genre de choses auxquelles je m’intéresse. Mais parfois, on se dit « bah ! Pourquoi pas ! » Et paf, une baffe.

Car si l’auteur nous raconte en effet son histoire de tentative de création d’une télévision locale libre sous Milosevic, la réalité est plutôt qu’il tend un miroir à la lâcheté de chacun de nous quand il est question de notre liberté. C’est que Vidosav Stevanovic maîtrise bien le sujet. Poursuivi, persécuté, calomnié, jugé et exilé à cause de ses écrits, c’est tout à fait par hasard qu’il s’est trouvé un jour de l’hiver 1996 dans sa ville natale alors que la population manifestait contre la censure de Milosevic et qu’on lui confie la reprise en main de la télévision locale. Et comme il a l’air d’être une sacrée tête de nœud, il ne fait aucun compromis : pas de censure, pas de revanchisme, pas de collusion avec les politiciens, pas de langue de bois. La liberté et la vérité, rien d’autre. Forcément, ça s’est très mal passé pour lui. L’expérience a duré six mois, six mois durant lesquels il a écrit ce livre qui est son journal.

La baffe ne vient pas tant de toutes celles qu’il a du encaisser pendant cette période, mais du fait qu’en nous décrivant le peu d’exigences du peuple Serbe en matière de liberté et de vérité, il nous montre en réalité un problème universel. Nous nous résignons tous, même au pire. Face au recul des libertés, à la corruption, aux crises économiques, à la perte voire à la disparition de la vérité dans les médias, nous nous résignons. Et pire encore, une fois résignés, nous acceptons la création de boucs émissaires et nous participons activement à la déliquescence de nos sociétés par notre mépris, nos calomnies, notre inaction, notre repli sur nous-mêmes. Nous acceptons le plus passivement du monde la mutation de nos médias en spectacles juste bons à vider les cerveaux. Nous apprenons à nous débrouiller face au manque d’argent plutôt que de nous révolter de la gestion qui en est faite par les politiciens. Nous sommes, tous, les voleurs de notre propre liberté.

Stefanovic nous décrit un peuple Serbe résigné et méprisable, putride, même, dans son nationalisme. On commence par le trouver bien dur, et si l’on n’est pas trop intellectuellement malhonnête avec nous-mêmes, on finit par se reconnaître sur bien des points, par comprendre que le problème vient bien plus du peuple que des Serbes.

Ce journal a presque vingt ans, mais aujourd’hui, c’est chez nous, en Europe de l’ouest, qu’il est plus qu’urgent de le découvrir : il y a des baffes salutaires.

Maintenant que c’est fait, M. Stefanovic va rejoindre la liste des auteurs dont je ne choisis pas les romans par hasard.


The handmaid’s tale.

Il y a les séries qui pétaradent, où la forme fait office de scénario, où le fond se noie dans la vacuité, où les acteurs sont transparents, où la photographie est bâclée, où on alterne action et sexe pour garder le spectateur éveillé. Et il y a The Handmaid’s tale.

Cette série en dix épisodes est un petit bijou de réalisation. Dystopie glaçante par son réalisme et sa probabilité, c’est avec des petites touches, des sous-entendus, bref, beaucoup de finesse qu’on nous décrit à la fois une société et la façon dont elle s’est construite. Certains sujets ne sont qu’effleurés, et c’est ainsi qu’ils en deviennent essentiels. D’autres sont fouillés au point d’en devenir insupportables. Et si le fond est là, la forme n’a pas été oubliée : la photographie est sublime, le rythme impeccablement géré et les acteurs sont excellents. Mention spéciale à l’actrice principale, Elizabeth Moss, qui fait jusqu’ici une carrière irréprochable avec un choix de séries intelligentes. Elle a visiblement choisi de ne pas aller se pervertir dans de grosses productions informes qui rapportent beaucoup en n’apportant rien aux spectateurs, et c’est heureux.

Même si le procédé des allers et retours dans le temps pourrait sembler éculé, il est ici parfaitement justifié et surtout parfaitement calculé. Seul bémol : le choix de la musique est dommageable, il ne colle pas toujours à l’ambiance générale, mais on pardonne facilement cet écueil devant le niveau de l’ensemble.

On découvre au générique beaucoup de noms féminins, bien plus qu’on n’en voit habituellement dans ce genre de productions, et si ça n’est pas une fin en soi, une réalisation féminine semblait indispensable pour traiter ce sujet. Il est fort probable que ce regard féminin est pour beaucoup dans la réussite de la réalisation.

The Handmaid’s tale est tiré du roman de Margaret Atwood : La Servante écarlate, et c’est la première fois qu’une série me donne très envie de me précipiter sur le livre et plus généralement sur l’œuvre d’un auteur.

Je ne peux que vous conseiller de visionner The Handmaid’s tale, mais soyez prévenus : c’est pesant (et c’est pour ça que c’est bien).


RT, les médias français et le CSA

 

La chaîne de télévision russe RT débarque en France, et voilà l’ensemble de la presse du même pays qui dénonce d’un seul bloc la propagande du Kremlin.

Est-ce que RT est effectivement un outil de propagande ? Oui, indubitablement, et les concernés n’en ont jamais fait mystère. Le Kremlin finance cette chaîne autant que le journal en ligne du même nom. Elle diffuse en plusieurs langues et sa ligne éditoriale est claire : elle se propose de présenter une image de la Russie et une vision de l’actualité autres que celles des médias occidentaux.

Bien. Maintenant que cela est posé, j’ai quelques remarques à formuler, et quelques questions qui en découlent.

En 2002, sous l’impulsion de Jacques Chirac, alors Président, la chaîne française France 24 a été créée dans le but « de donner à la France une voix à l’étranger. » Si une chaîne russe qui diffuse chez nous c’est de la propagande, comment nommer une chaîne française qui diffuse chez les autres ? Et une chaîne financée à grand renfort d’argent public ? Et si c’est différent, pourquoi ? Parce que nous sommes les « gentils » et eux les « méchants » ? Je veux bien, mais je suis certaine que n’importe quel Russe vous dira qu’il est le gentil et que nous sommes les méchants. C’est le problème, avec l’ennemi : « il croit que c’est nous l’ennemi alors que c’est lui ! »

Mais ça n’est pas tout ! Voyez-vous, depuis que la principale radio de service public française, à savoir France Inter, se prend pour Rire et Chanson en diffusant des programmes abscons, pro-vegans, hystériques, j’en passe et des plus graves, j’ai tendance à opter pour un autre service radiophonique, public, lui aussi, mais de chez nos voisins : la BBC internationale. Car, l’Anglois, toujours prêt à toutes les vilenies, diffuse sa propagande sur presque toutes les ondes du monde, 24 heures sur 24, en 28 langues et la BBC internationale est directement financée, preuve qu’il s’agit bien de propagande, par le ministère des Affaires Étrangères britannique. De l’aveu même d’un responsable de cette radio, son but est  » d’être la voix la plus connue et la plus respectée au monde apportant par là un profit à la Grande-Bretagne« . Mais je suppose qu’eux aussi sont les gentils, donc ça n’est pas très grave.

Nous voilà donc contraints de trouver une chaîne de propagande diffusée en France par des gens « pas comme nous ». Pas besoin de chercher très loin : la chaîne qatarie Al Jazeera émet chez nous depuis 1998. Mais les Qataris sont de gros investisseurs, ils ne peuvent donc pas être l’ennemi, donc il n’y a absolument rien de grave.

La propagande n’est pas qu’une affaire de télévision. Le cinéma hollywoodien est et a toujours été un outil de propagande pour la diffusion à travers le monde de l' »American way of life ». Je vous renvoie au très anticommuniste « L’invasion des profanateurs de sépultures » pour prendre un exemple, mais une large part des productions plus tardives de l’ère Reagan fera tout autant l’affaire. Mais depuis des décennies, on avale cette propagande toute crue sans se poser la moindre question, sans même voir l’uniformisation du monde qu’elle a provoquée au plus grand bénéfice des États-Unis, et nos chers médias français, s’ils l’ont jamais fait, ne s’en offusquent plus depuis bien longtemps. Car les États-Unis sont nos alliés, et il n’est nul besoin de pousser des hurlements de vierge effarouchée quand nos alliés débarquent avec une surconsommation à nous refourguer.

Mais il y a encore plus grave, du moins à mes yeux, que cette hypocrisie « tendance » : il y a le contenu même de notre presse nationale. Car à qui appartient-elle, notre presse ? A quelques exceptions près – L’Humanité, Marianne, le Canard Enchaîné – « nos » journaux appartiennent à des gens qui ont tout intérêt à voir notre actuel Président-Monarque réussir son démantèlement complet du pays. Bien sûr, les journalistes de ces journaux brandissent leur indépendance, mais quiconque regarde leurs publications d’avant les élections à aujourd’hui n’est pas dupe. Donc à tout prendre, au moins, avec RT, je sais où je mets les pieds. Je connais le « filtre », la ligne éditoriale, je n’ai donc aucun mal à voir les traits grossis, les oublis ou les partis pris. Je suis beaucoup plus embêtée avec Le Monde qui brandit son objectivité là où je ne vois plus qu’une presse partisane.

Je ne suis pas pro-Poutine – comment peut-on raisonnablement l’être ? – mais je n’ai rien contre un autre regard sur l’actualité du monde qui élargira suffisamment le champ pour avoir un peu plus de chance, en usant de nos méninges, de trouver le juste milieu.

 


De la télé-réalité politique

8 avril 2027
Et ce soir, sur BFMTV, le grand débat pour la présidentielle sera présenté par Cyril Hanouna et Nabilla !
Hanouna : Salut Français chéris !
Nabilla : Allô, quoi !
Hanouna : Mais avant toute chose, présentons nos invités ! A ma droite : Marion Le Pen, Geoffroy Didier et Nadine Morano. Allez les supporters, faites du bruit !
Nabilla : Et du côté de la main avec laquelle je ne tiens pas mon rouge à lèvres : Jean-Luc Mélenchon, toujours dans la place, Najat Vallaud-Belkacem et Emmanuel Macron.
Hanouna : Mais ne perdons pas de temps, mes chéris, vous êtes venus voir du spectacle alors commençons les épreuves !
Nabilla : Ouais, alors on va commencer tranquille, hein, avec l’épreuve de culture générale. C’est oùsqu’on va vous poser des questions vachement compliquées pour faire voir comme vous êtes intelligents.
Hanouna : Vous avez chacun un buzzer en face de vous, mais pour qu’on se fende la gueule on les a fait en forme de bite. Donc si vous avez la bonne réponse, vous tapez sur la bite.
(Rire du public)
Nabilla : Alors la première question qu’elle est vraiment dure …
Hanouna : Comme la bite !
(rire du public)
Nabilla : la première question, c’est de la géographie. Attention. Moi je ne savais pas. Je suis une île du Pacifique vantée par Brel et Gauguin, je suis, je suis …
Buzzer
Macron : La Guyane !
Nabilla : Ah ben non, c’est pas loin mais c’est pas ça.
(silence)
Mélenchon : Non mais c’est antidémocratique ! Dans ma 6e République, les bites seront à la bonne hauteur pour les gens, comme moi, en chaise roulante ! C’est les Marquises, la réponse !
Hanouna : On va envoyer la pub et pendant ce temps-là, on mettra une petite bite à Jean-Luc.
(Rire du public / page de publicités)

Hanouna : Et nous revoilà les amis ! Alors on a regardé les questions, et c’était trop compliqué.
Nabilla : Ah oui, hein ! Je ne comprenais même pas les questions, allô, quoi !
Hanouna : Alors on va passer tout de suite à l’épreuve de cuisine ! Chaque candidat a devant lui un kilo de merde, du sucre, de la farine, des œufs et des noisettes. Il devra confectionner un gâteau avec tout ça et attention ! Ils devront le manger !
(Rire du public)
Nabilla : Et le gagnant de l’épreuve sera celui qui le mange en entier sans vomir !
(Rire du public)
Une page de publicités plus tard :
Hanouna : Et la gagnante du concours est Nadine Morano. Madame Morano, quel est votre secret ?
Morano : Ah mais c’est très simple ! J’ai l’habitude de dire de la merde, alors de la merde qui sort ou qui entre de la bouche, c’est pareil !
(Rire du public / page de publicités)

Hanouna : Et nous revoilà les amis ! Et maintenant, c’est l’épreuve ultime, celle que vous attendez tous !
Nabilla : Oh oui !
Hanouna : Des Français sont cachés derrière ce rideau. Les candidats devront passer la main dans ce trou du rideau, palper le Français qu’ils ont sous la main et dire si c’est : un homme, une femme, ou un travelo !
(Rire du public)
Ce grand débat explosa les records d’audience. Jean-Luc Mélenchon fut éliminé pour avoir refusé de palper les Français et fit un score de 0,1 % lors de l’élection. Nombre d’électeurs diront qu’on n’élit pas quelqu’un qui ne joue pas le jeu. Marion le Pen qui se jeta par terre en hurlant des prières et autres incantations quand elle constata qu’on lui avait donné un travesti à palper fut élue dès le premier tour. Nadine Morano fut choisie comme première ministre pour avoir réussi la deuxième épreuve. Les Français se dirent ravis d’avoir enfin des émissions politiques et des élus à leur niveau.


Les médias zombies

zombie-neuroscience

Et des recueillements par ci, et des hommages par là : ça ne s’arrête plus ! Qu’il y ait un attentat, un meurtre, un accident, c’est maintenant systématique : non seulement on en bouffe pendant des semaines dans tous les médias au moment des faits, mais encore trouve-t-on le moyen de réchauffer la soupe tous les ans, tous les mois ou toutes les semaines au gré des envies et des vides vaguement journalistiques et politiques.

Que les gens directement impactés par tel ou tel événement aient envie ou besoin de se recueillir à certaines dates et en certains lieux ne posent pas de problème particulier : ça leur appartient, chacun fait son deuil de la façon dont il le souhaite, personne n’a de jugement à porter là-dessus. Mais foutredieu ! A part la vacuité, qu’est-ce qui oblige les médias à nous agiter de vieux cadavres sous le nez ? Ça n’est pas seulement nauséabond, c’est aussi sans le moindre intérêt en plus d’être malsain, presque nécrophile.

Comme si ça ne suffisait pas de voir à longueur d’année des politiciens croulants, tellement croulants que feue ma grand-mère les a tous connus, il faut encore qu’on nous expose des cadavres inconnus et en putréfaction avancée.

A croire que l’actualité immédiate n’en a pas assez, des cadavres et des moribonds ! Les gens qui sont en train de mourir en Haïti doivent sembler moins télégéniques que les cadavres déjà enterrés.
Il ne doit pas y avoir assez de malheurs présents qu’on ait à ce point besoin de rappeler les anciens.
Et ensuite on se demandera pourquoi le français est morose ! Parce qu’il vit dans un cimetière, vingt-dieux !


La télé-réalité intelligente existe.

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J’en étais donc là, à zapper mollement en sortant du boulot, quand je suis tombée sur une émission de télé-réalité absolument fascinante. Si si.

J’ignore le nom de cette émission, mais on nous montrait le quotidien des draveurs du Yukon. Le Yukon, c’est un fleuve en Alaska : un endroit aussi dangereux que sublime. Draveur, c’est une profession qui n’existe pas en France mais qui est très connue dans le nord de l’Amérique. A la base, c’était les gens qui conduisaient les trains de grumes sur les fleuves (*), aujourd’hui, ce sont visiblement surtout des gens qui descendent le fleuve sur des radeaux qu’ils ont construits eux-mêmes pour ramasser et débiter le bois flotté charrié par ledit fleuve afin de le revendre dans les villages comme bois de chauffage. A la fin de leur périple, ils démontent aussi le radeau et en revende le bois.

Vous imaginez bien que le quotidien, dans ce contexte, est une véritable aventure, dangereuse et fascinante.

Les chaînes françaises produisent beaucoup d’émissions de télé-réalité qui sont très loin de toute réalité. La plupart du temps, on nous y montre des gens esthétiquement très présentables selon les normes en vigueur, mais seulement jusqu’à ce qu’ils ouvrent la bouche : on ne voit que des décérébrés parfaitement inutiles au monde vaquant à des activités qui n’existent pas dans la vraie vie. Des sortes d’humains en plastique dans un bocal bien chauffé.
Là, je voyais défiler sur le Yukon des vrais gens, des gueules cassées, des bouches édentées au milieu de barbes crasseuses, de vraies tronches sans qui les habitants des villages d’Alaska manqueraient sans doute de bois de chauffage. Je voyais des vrais gens qui vivaient une vraie aventure, pas pour la gloire mais, soyons clairs, pour le fric, car visiblement le bois est cher dans ces contrées. Même si une part du bidule est sans doute scénarisée, ça n’en était pas moins des vraies vies.

Je me suis imaginée môme devant ce programme et je suis sûre que j’aurais adoré cette fenêtre ouverte sur un coin paumé du monde où des gens se remuent l’arrière-train avec beaucoup de savoir-faire sur de superbes radeaux d’une dizaine de tonnes.

Et j’y ai vu une émission de télé-réalité intelligente.

Oh , ne mélangeons pas tout : je n’ai pas dit intellectuelle. Seulement intelligente : on nous montre là l’étendu des possibles. On nous donne à voir des gens fracassés à bien des égards héros de leur propre rude vie.

Ça n’est pas la première fois que je tombe sur ce genre de programmes, il en existe pas mal avec des tas de professions plus ou moins délirantes, mais toujours manuelles. De ces émissions qui doivent pousser pas mal de gosses à se dire « wahou ! Je veux faire ça quand je serai grand ! » Des modèles accessibles.

En re-zappant, j’ai vu que les seuls métiers que les émissions françaises nous donnent à voir, ce sont les flics, les gendarmes, les douaniers, quelques médecins et encore la police.
Pour les gamins, on a bouché l’horizon. On ne leur montre pas l’étendue des possibles, même les plus cinglés. On leur montre seulement qu’un pas de côté mène en prison.
On peut reprocher plein de trucs aux États-Unis, mais au moins savent-ils encore faire rêver tous les gosses, et pas seulement ceux qui passeront par les lycées d’élite.

(*) Si le sujet vous intéresse, j’en profite pour vous conseiller la lecture de Dernière nuit à Twisted River de John Irving.