L’Arc-en-ciel de la gravité – Thomas Pynchon

9782020327930

J’ai découvert L’Arc-en-ciel de la gravité en lisant l’autobiographie de Salman Rushdie, Joseph Anton. Cet auteur fameux, parmi mes favoris, le citait comme un chef d’œuvre de la littérature américaine contemporaine, aussi m’empressai-je de le commander. Venant d’un écrivain produisant essentiellement des pavés, je n’ai pas vraiment été surprise d’en découvrir un de cette taille, et je me suis lancée sans attendre dans les mille cent pages d’un livre dont j’ignorais l’intrigue.

Il va me falloir maintenant un petit moment pour m’en remettre.

M. Rushdie a bien raison de le dénommer chef d’œuvre. Peut-être aurait-il pu prévenir ses lecteurs qu’il est de ceux dont on ne sort pas indemne. Car L’Arc-en-ciel de la gravité secoue sévèrement, tant par sa forme que par son contenu. Thomas Pynchon a une plume acérée, tranchante. Il n’use guère de circonvolutions : les phrases sont courtes et efficaces. Ça n’en fait pas pour autant un auteur facile d’accès. On entre dans ce livre comme dans un labyrinthe. L’auteur nous promène et nous égare dans les méandres de la paranoïa, celle des personnages et peut-être aussi la sienne. Nous sommes à la fin de la Seconde Guerre mondiale en compagnie d’un personnage en quête d’une fusée dont on ne sait pas grand-chose. D’autres nombreux protagonistes se lancent dans la même quête, mais on ne sait bientôt plus s’ils cherchent la fusée ou si la fusée les attire malgré eux.

Dans ce labyrinthe, on devra se confronter à la décadence. Drogues de toutes les sortes, déviances sexuelles les plus abjectes, perversion, trafics en tout genre, torture, manipulation, complot : dans les décombres encore fumants de l’Allemagne, les humains laissent leurs travers s’exprimer, sans que la conscience y trouve rien à redire.

Ce roman est d’une incroyable densité et d’une rare érudition. Que Thomas Pynchon parle de chimie ou de psychologie sociale, de physique ou de sociétés secrètes, d’économie ou de politique, il fouille, creuse, décortique et nous renseigne uniquement pour mieux nous égarer. C’est une lecture physique, déstabilisante et parfois nauséeuse.

Indiscutablement, cet ouvrage est un chef d’œuvre, mais de ceux dont on hésitera à conseiller la lecture. Thomas Pynchon est un auteur qui ferait passer L.F. Céline pour un joyeux drille. L’Arc-en-Ciel de la gravité est une œuvre qu’il faudra aborder avec une santé mentale d’acier sous peine, à défaut, de s’égarer dans la paranoïa.

À propos de Tagrawla Ineqqiqi


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